Homélie de Mgr de Kerimel prononcée le dimanche 30 janvier 2022 à la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse

Frères et sœurs,
« S’il me manque l’amour, je ne suis rien », et je manquerais à ma mission et à la confiance que me font le Christ et l’Église en m’envoyant vers vous pour être votre pasteur au nom du Christ. S’il nous manquait l’amour, comment témoigner de l’Amour divin ? S’il nous manque l’amour, nous ne sommes pas disciples du Christ, et nous n’accomplissons pas la mission des disciples du Christ. Mais « nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru », comme l’écrit saint Jean, et nous nous sommes laissés saisir par l’Amour divin. « Dieu est Amour », et Il a envoyé son Fils pour nous révéler son amour et le répandre en nos cœurs par la puissance de l’Esprit Saint. En reconnaissant en Jésus la manifestation de l’Amour de Dieu, en mettant notre foi en Lui, nous nous laissons purifier, guérir, transformer par l’amour de Dieu ; nous devenons réellement enfants de Dieu, fils et filles de l’Amour divin.


.Jésus, rempli de l’Esprit Saint, est venu annoncer aux pauvres la Bonne Nouvelle de l’amour vainqueur ; Il est venu libérer tous ceux qui sont sous le joug du péché et du mal. Au début de sa vie publique, Il prêche dans les synagogues et accomplit de nombreux signes. C’est dans ce contexte qu’Il est entré dans la synagogue de Nazareth, sa ville d’origine, et qu’après avoir lu un passage du prophète Isaïe, Il a déclaré : « aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre ». Avec Lui, l’Écriture s’accomplit, le salut est arrivé, le royaume de Dieu est là. Les gens de Nazareth lui rendent témoignage, mais rapidement ils vont devenir furieux au point de vouloir L’éliminer. Que s’est-il passé ?


Jésus, qui devine les pensées des cœurs, met en lumière le comportement intéressé de ses compatriotes. Les Nazaréens auraient voulu qu’Il accomplisse pour eux les signes qu’Il a réalisés à Capharnaüm ; ils auraient voulu L’avoir pour eux, au lieu d’entrer dans un chemin de conversion et de Le suivre sur le chemin du véritable amour. Jésus dénonce un amour captatif qui veut ramener à soi, au lieu de s’ouvrir à l’autre, au Tout Autre. La tentation est grande de se servir de Dieu, c’est une tentation que le diable a fait subir à Jésus Lui-même au désert ; la prière devient alors un moyen de capter un pouvoir, une force, d’utiliser Dieu pour son bien-être personnel. La tentation n’est pas moins forte de se servir des autres pour être conforté dans ses propres idées.


Le Fils de Dieu, en se faisant homme, vient au-devant de l’humanité par amour pour elle et pour lui apprendre à aimer. Il vient à nous pour nous sortir de nous-mêmes, de nos égocentrismes, pour nous tourner vers Dieu notre Père et vers le prochain. Le chemin de l’amour est exigeant ; le véritable amour est don de soi ; lui seul est source de vraies joies, mais il passe par des renoncements, des épreuves, une sortie de soi. Saint Paul a très bien décrit le véritable amour, dans la deuxième lecture que nous avons entendue : l’amour « supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout ».

Jésus ne se laisse pas récupérer, ni même impressionner par la fureur des
Nazaréens : « passant au milieu d’eux, il allait son chemin ». Il est libre face
aux flatteries ou aux critiques ; Il est tout à sa mission. Il a semé une parole qui
dérange, mais qui peut continuer à agir dans les cœurs, jusqu’à ce que ces
cœurs s’ouvrent à la grâce de Dieu.

Quelles leçons tirer de ce passage de l’Écriture ? La première est de nous laisser
déranger par la Parole de Dieu ; elle nous dérange pour nous faire grandir, pour
susciter le don de nous-mêmes, car, comme le dit le Concile Vatican II,
« l’homme ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui même
».

La deuxième leçon est de demander la grâce de la liberté intérieure qui est le
fruit d’une relation étroite avec Dieu, et de la recherche de sa volonté.
Apprenons du Christ à garder du recul face aux agitations de surface, à
discerner avant de réagir, à ne pas nous laisser séduire par les flatteries ni
impressionner par attaques. C’est au Christ que nous cherchons à plaire, c’est
Lui que nous voulons suivre et non les courants d’opinion fugaces et versatiles ;
c’est Lui notre Lumière, la référence de nos pensées, de nos paroles et de nos
actions. Certes, nous vivons dans ce monde et nous l’aimons tel qu’il est ; nous
naissons dans une famille humaine, nous sommes enracinés dans un pays, dans
une région, dans une culture ; mais le coeur humain est ouvert sur l’infini, il ne
peut se laisser enfermer dans des horizons limités ; Dieu seul peut le combler. Il
nous revient d’être présents et acteurs dans notre société, de discerner ses
questions, ses attentes, de partager ses angoisses et ses espoirs, mais aussi de
lui transmettre la Parole de vie et de lui donner une espérance.

La troisième leçon que je tire de ce passage est l’ouverture à l’universel : déjà
les prophètes Élie et Élisée avaient été envoyés à des païens et ils leur avaient
fait du bien ; Jésus Lui-même enverra ses disciples dans le monde entier.
L’Église n’est pas un club, ni une forteresse ; elle est ouverte à tous : aucun
peuple, aucune culture, aucune personne ne lui est étrangère.

Je termine en vous rappelant, à la suite de ce passage d’évangile, que l’Église
ne travaille pas pour Elle-même, pour se complaire en Elle-même ; elle est
collaboratrice du Christ pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Moi-même,
je suis envoyé à Toulouse pour marcher devant vous, avec vous et derrière vous
à la suite du Christ, qui est le Chemin qui conduit à Dieu notre Père et à nos
frères humains.

Que l’Esprit Saint renouvelle en nous ses dons, pour qu’ensemble nous
accomplissions la volonté de Dieu là où Il nous a placés, et que nous donnions à
voir et à expérimenter l’amour de Dieu pour toute personne humaine !

† Guy de Kerimel
Archevêque de Toulouse

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