Actes 11,21-27 Ap 21,1-5 Jean 13,31-35
Je vous avoue avoir été pris de vertige à la lecture des textes de ce jour pour préparer ce commentaire. En effet comment avoir l’audace d’ajouter quoi que ce soit à l ’Évangile, et en particulier, aux deux dernières phrases -testament prononcées par Jésus à l’endroit de ces disciples : « Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez vous les uns les autres. »
Et encore : « A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples ; si vous avez de l’amour les uns pour les autres »
C’est une montagne à gravir que ces deux phrases, car c’est l’essentiel du message chrétien, une spécificité chrétienne sans doute, mais une exigence hors d’atteinte de nos capacités humaines.
Alors, comme le cheval dans le manège qui refuse l’obstacle, je l’ai contourné, en empruntant des chemins détournés avant d’aborder la montagne.
Voici le récit de cette dérobade
:Depuis Pâques nous baignons, heureusement, dans les récits de la Résurrection : le retour du Christ, dans un local aux portes verrouillées, où Thomas deviendra le parangon du doute; la pêche abondante et la gêne de Simon-Pierre, nu devant le Ressuscité, ou encore la peine de ce même Simon-Pierre face au triple questionnement de Jésus : « Simon, fils de jean m’aimes tu vraiment ? »
Et alors que les Actes des apôtres nous plongent dans l’univers des Douze, devenus orphelins, qui s’organisent pour porter seuls la mission et poser les bases de l’Église Universelle que nous connaissons ,
Voici qu’aujourd’hui, l’Évangile nous ramène au dernier repas de Jésus, avant sa passion et sa mort.
Les spécialistes nous expliqueront qu’il n’y a pas de contradiction dans cet anachronisme.
A savoir : l’Évangile de Jean a été écrit à la fin du premier siècle. A cette époque, la filiation de Jésus, a mort, sa résurrection sont communément admises.
Jean et les rédacteurs associés se sont attachés à établir la véritable identité de Jésus avec des scènes imagées, précises, habitées, où chacun peut se reconnaître. Ce qui nous vaut : les Noces de Cana, la Samaritaine, la multiplication des pains, la marche sur les eaux, la résurrection de Lazare, le lavement des pieds, la Maison du Père, la Vigne et les sarments, …Mais, il faut gravir la montagne.
Dans ce passage de l’Évangile de St jean, le discours d’adieu, Jésus qui sait sa mort prochaine, livre à ses disciples un testament comminatoire.
« Je vous laisse un commandement nouveau C’est de vous aimer les uns les autres » .
Quel est donc ce commandement nouveau ? Pas si nouveau, en fait !
Dans le livre du Lévitique (un des livres de la Loi(LV19,18), nous lisons : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », complément du DT 6,5, Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme…)
Pourtant ce commandement est bien nouveau puisqu’il est apporté par le Christ en signe de la Nouvelle Alliance faite par Dieu avec l’Humanité. Cette Nouvelle Alliance indestructible, inscrite au plus profond de l’être : C’est Jésus-Christ
Le fils de Dieu, Dieu lui-même.
Lisons le prophète Jérémie(JR 31,33) « Cette Nouvelle Alliance est différente de celle que j’ai conclue avec vos pères. Eux l’ont rompue, dit le Seigneur, je déposerai mes directives au fond d’eux-mêmes, Les inscrivant dans leur être. Je deviendrai Dieu pour eux , et eux deviendront u n Peuple pour moi. »
L’alliance avec Moïse est une alliance de Promesse. La Nouvelle alliance en Jésus-Christ est une alliance de Communion.
« Comme je vous aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres »
Que pouvons savoir du « Comme je vous ai aimés »?
Nos mots humains ne sont pas à la hauteur de l’amour divin qui est sans limite, sans condition, total, parfait, extrême (St Paul). Un amour qui pardonne même aux ennemis. Un amour qui va jusqu’au don de sa vie. Dieu donne son fils par amour.
Jésus donne sa vie par amour pour nous
Comme le Père m’a aimé, moi-aussi je vous ai aimés (Jean15,9)
Il s’agit d’un amour théologal ; comme Dieu seul sait aimer
Même la belle envolée de Saint Paul aux Corinthiens, que nous lisons si souvent pour les mariages est impuissante à traduire l’amour de Dieu, sauf dans sa conclusion : L’amour ne passera jamais. Maurice Zundel a cette belle formule pour traduire cette éternité de l’amour, qui nous fait naître de Dieu, vivre par Dieu, ressusciter en Dieu :
« l’anneau d’or des fiançailles éternelles »
Encore faut-il donner son vrai sens au mot amour, quand nous n’en possédons qu’un seul pour parler de l’amour oblatif, de l’amour possessif, de l’amitié, voir des préférences sensorielles. On n’aime pas de la même façon, Dieu, ses parents, son conjoint, ses enfants, ses amis, un dessert au chocolat ou une toile de maître. Alors ! difficile d’aimer comme Dieu nous aime ?
Très difficile ! Mais nous pouvons suivre le conseil que nous donne le philosophe, prêtre, Maurice Bellet : « Vous commencerez par le respect »
Si nous respectons l’autre, différent, nous commencerons à suivre le Christ, à notre mesure et en vérité. Nous commencerons à vivre ce que disait Mgr De Roubaix, évêque : «Je rêve d’une Église de laquelle on dira, non pas : « voyez comme ils sont organisés, mais Voyez comme ils s’aiment »
Peut-être nous reconnaitra-t-on comme les disciples du Christ ?
Amen
Bernard Buisson, Diacre
15.05.2022