Frères et sœurs, les lectures d’aujourd’hui, et en particulier la première peut nous servir d’introduction à notre vie de chrétiens.
En effet, dès la première lecture, le prophète Isaïe nous dit : « Ainsi parle le Seigneur, lui qui fit un chemin dans la mer, un sentier dans les eaux puissantes ». Le Seigneur nous fait un chemin en effet ; car qu’est-ce que la foi, sinon suivre un chemin. Mais ce chemin n’est pas droit, passant, comme nous le dit Isaïe, au milieu d’une mer agitée. Ainsi en est-il de la barque de nos vies, de la barque de l’Eglise, de la barque du monde, chahutée par les tentations du malin, abondamment rappelées au cours de ce carême. Personne ne peut traverser sa vie sans que sa barque ne soit battue par les flots. Mais sans chemin on est perdu, et les lumières du matérialisme ne font qu’éblouir ; que reste t-il une fois cet aveuglement passé ?
L’évangile propose un de ces balisages du chemin avec ce fameux passage de la femme adultère que nous connaissons bien. Pour les scribes et les pharisiens, il n’y a que la loi qui compte, quitte à mouiller Moïse avec, pour se donner bonne conscience. Permettez-moi de faire trois remarques qui me sont venues à la lecture de ce passage.
-La première concerne tout le peuple chrétien, y compris -et peut-être surtout- ceux qui ont mission de nous guider. Ce passage arrive après les questions posées au Christ sur le lien du mariage, et où le Christ avait déclaré « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre est en flagrant délit d’adultère ». Le Christ avait été clair, et pourtant, la force du pardon va dépasser le poids du péché. Car dans l’évangile de ce jour, le Christ n’a pas jeté la pierre sur la femme adultère ; et il lui dit « je ne te condamne pas », Le Christ n’est pas allé trouver les érudits qui tenaient la loi, mais celle qui avait péché. Et se sont ceux qui jugeaient cette femme qui ne pourront soutenir le regard du Christ, et qui devront dû partir…
-La deuxième remarque tient dans la fin de la phrase du Christ « Va, et désormais ne pêche plus ». La remise des peines, qui peut aller jusqu’à l’infini doit permettre à l’homme de devenir meilleur. Le pardon illimité doit s’accompagner de la conversion. Avec la reconnaissance de la faute, on doit être au moins un peu meilleurs. Etre sur le chemin, c’est donc parcourir un chemin d’humanité fait de pardon et de conversion. Globalement, cela doit -cela devrait- se voir dans une assemblée des chrétiens, et l’on doit, quelque part, montrer quelque chose du Royaume, qui passe aussi par la prise en compte de ce qui est bien comme de ce qui ne l’est pas. Aujourd’hui, pour éviter la contradiction et éviter de juger, on a tendance à accepter que tout se vaut. Mais pour le Christ tout ne se vaut pas, et l’on sait bien, voir trop bien, que la vérité des actes, comme celle des paroles, sont ceux qui permettent de construire le monde meilleur que nous appelons de nos vœux.
-Enfin, Saint Jean relève que ceux qui n’ont pu soutenir le regard du Christ sont partis, en commençant par les plus âgés… Lorsque l’on vit au milieu de la jeunesse, on est frappé par leur sens des actes justes, et leur faculté à percevoir d’emblée les choses évidentes. Au plus on prend de l’âge, au plus on devient compliqué, et l’on devient de véritables virtuoses à tordre le cou des choses évidentes, voire de la vérité. Mieux encore, plus loin, le Christ fera venir vers lui les enfants, c’est-à-dire ceux qui sont à même de mieux discerner les réalités de l’au-delà.
Alors, dans ce chemin sur lequel il nous est proposé d’avancer, demandons au Christ de nous éclairer le but ultime. Car déjà, en ce 5ème dimanche de carême, on peut dire que pointe au bout de chemin, la lueur de jour de Pâques.
Thierry Merle Diacre