« Au commencement était le verbe. Et le verbe s’est fait chair » Jean 1,1.14 Dès le début de son Évangile, l’évangéliste Jean précise sa pensée. C’est de la chair, c.à.d. de l’homme dans sa fragilité dont il va parler. Et c’est dans cet homme que Dieu se donne à voir.
Ainsi nous lisons dons son Évangile, non pas une chronique de la vie de Jésus, (que ferons Matthieu, Marc et Luc) mais des scènes fortes de cette vie d’homme de Jésus qui est Dieu : les noces de Cana, la samaritaine, la multiplication des pains, la marche sur les eaux, la résurrection de Lazare.
Dans le récit que nous venons d’entendre, Jésus est un homme connu, un certain nombre de prodiges lui valent la réputation de prophète, ne vient—t’il pas de ressusciter Lazare. ?
Au milieu de la foule qui se rend à Jérusalem pour la Pâque, il est acclamé comme celui qui va libérer le peuple juif de l’occupant. Il entre donc triomphalement à Jérusalem. On étend des manteaux sous ses pieds, on agite des palmes (c’est notre fête des Rameaux).
Parmi la foule il y a aussi des grecs, qui ne sont pas grecs, mais étrangers, ce sont des païens sympathisants du judaïsme qui n’ont cependant pas franchi le pas de la circoncision.
Ces étrangers veulent voir Jésus. Traduit dans notre langage actuel, cela signifie qu’ils veulent croire en Jésus, le suivre, devenir disciples.
Comme étrangers, ils ont besoin d’interprètes, ils feront appel à Philippe et André, habitants comme eux, de Galilée terre étrangère, cosmopolite et païenne.
Bien sûr, ces étrangers ne sont pas nommés par hasard. Ils attestent que la mission de Jésus est de rassembler juifs et païens en un seul peuple.
« C’est lui, le Christ qui est notre paix, des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple ; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine ». (Ep 2,14)
La réponse de Jésus, interpelé par Philippe et André, surprend ses
interlocuteurs. «
L’heure est venue pour le fils de l’Homme, d’être glorifié »
L’heure est venue : cette formule souvent utilisée par Jean, signifie qu’un moment important de l’histoire du salut est arrivé. En l’occurrence, ici, le moment est venu pour Jésus d’entrer dans sa passion.
L’heure est venue pour le fils de l’homme d’être glorifié : Ici la gloire n’est pas la célébrité humaine aléatoire et fugace, c’est pour Jésus le moment d’entrer dans la vie éternelle en passant par la mort et la résurrection.
Mais comment ses interlocuteurs pourraient-ils comprendre que Jésus annonce sa mort ? Le Messie, le fils de Dieu ne peut pas mourir. « Nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les peuples païens » (1 Co 1,23)
Alors, comme souvent, pour se faire comprendre, Jésus prend un exemple dans la vie ordinaire (encore cette vie des hommes chère à St Jean)
Le grain de blé. II n’est pas nécessaire d’être diplômé d’agronomie pour savoir qu’il doit disparaître en terre pour donner une belle tige portant un épi généreux. S’il reste bien au sec dans le grenier il ne portera pas de grains. C’est sa mort qui sera génératrice de vie.
Chacun peut comprendre maintenant que Jésus doit mourir, non pas pour se sauver, pour s’évader de sa condition d’homme, mais pour sauver la multitude c.à.d. l’humanité entière. Car il ne s’agit pas tant de mourir pour vivre que mourir et porter du fruit.
Ce passage est souvent utilisé pour les funérailles. C’est un moyen simple de faire comprendre qu’à la suite du Christ, la mort si elle est un passage obligé n’est pas la fin de tout mais le début d’une vie nouvelle et éternelle dans la plénitude de l’amour de Dieu. La mort n’est pas une punition, elle est au contraire notre récompense, un tremplin vers la vie éternelle.
En disant cela, me revient à l’esprit cette citation d’A. de Saint Exupéry dans Citadelle. II disait à la mort de son père : « Je compris ce jour-là que ce n’était pas un cadavre qu’on ensevelissait, mais une provision qu’on engrangeait. »
Cependant cette récompense n’entraîne pas à la passivité. Puisque nous sommes rachetés par le Christ, sauvés par le Christ, cela ne signifie pas que nous pouvons attendre, les bras croisés, la mort libératrice. « Celui qui aime sa vie la perd, celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle »
Comme le Christ, à son exemple, nous sommes invités à participer au salut, en donnant nous aussi notre vie.
Donner sa vie, ce n’est pas se donner la mort. Donner sa vie, c’est donner de sa vie, c.à.d. de son temps, de ses compétences pour faire exister l’autre. Donc, donner sa vie, c’est aimer. Nous avons reçu la vie en cadeau, il est somme tout logique, que nous donnions un peu de notre vie en cadeau ; c’est la condition pour que d’autres vivent.
Nous n’aurons jamais fini d’aimer à plein temps. Nous ne pourrons jamais égaler le Christ qui a fait le don parfait de sa vie. Mais nous ne devons pas pour autant nous culpabiliser jusqu’à la paralysie. Tous et chacun nous donnons de notre vie que ce soit comme parents, éducateurs, bénévoles etc.
Imparfaitement bien sûr, mais avec nos moyens, avec nos limites, avec notre souci du lendemain.
Mère Térésa disait : « Nous ne serons pas jugés sur ce que nous avons fait mais sur l’amour que nous avons mis à le faire. »
Peut-être en ce temps de carême pouvons-nous faire le don d’un peu plus de notre vie, avec encore plus d’attention, encore un peu plus d’amour.
Ainsi Dieu sera glorifié car : La Gloire de Dieu c’est l’homme vivant. Et nous serons, nous aussi, glorifiés : car la gloire de l’homme c’est de voir Dieu. (Saint Irénée)
Bernard Buisson 21 Mars 2021