Homélie 3ème dimanche de l’Avent, Gaudete

« Frères, soyez toujours dans la joie, priez sans relâche »
La Parole de ce dimanche nous dit bien avec force et insistance qu’il faut nous réjouir, que nous avons raison d’être joyeux, même en temps de crise. Car la joie est le baromètre de foi, de notre vie dans l’esprit ! Cette joie manifeste l’anticipation de la promesse qui va se réaliser à Noël.
C’est précisément de cette joie dont nous parle le prophète Isaïe. Il s’adresse à un peuple touché par la pauvreté et l’injustice. Il est envoyé par le Seigneur pour annoncer la délivrance à son peuple. C’est le Seigneur qui apporte la libération, la justice et le réconfort.
Le cantique de Marie est aussi tout entier placé sur le signe de la joie et la
reconnaissance. Marie reconnaît en Dieu le Tout puissant, le miséricordieux, celui qui tout au long de l’histoire a honoré l’Alliance avec son peuple. En ce début de l’Évangile selon saint Jean, nous retrouvons Jean-Baptiste, déjà rencontré la semaine dernière avec l’ouverture de l’Évangile selon saint Marc. Jean-Baptiste, dernier prophète de l’Ancien Testament, qui annonce la venue du Messie, premier prophète du Nouveau Testament, qui dévoile qui est Jésus : il est la Lumière, l’Agneau de Dieu, l’Époux qui vient, le Verbe du Père.
Qui es-tu donc, Jean ? « Je suis la voix de celui qui crie à travers le désert ». Il est la voix, il n’est pas la Parole. Il prête sa voix à la Parole. Il est la voix pour que nous recevions la Parole. La voix, nous l’oublions, mais la Parole demeure en nous. Certains ont pris la voix pour la parole, dit saint Augustin, mais la voix de Jean-Baptiste s’efface pour que la parole demeure en nous. « Il faut que Lui grandisse, et que moi je diminue ». La parole, c’est le Logos, c’est le Verbe du Père qu’il annonce, celui qui était au commencement :
« Au commencement était le Verbe ». Noël, c’est le Verbe qui se fait chair pour nous, pour venir en nous, et il y a une béatitude promise à ceux qui l’accueillent : « Bienheureux ceux qui entendent le Verbe de Dieu et qui le gardent ». A chaque vigile de dimanche, nous chantons le psaume 94 : « Aujourd’hui puissiez-vous écouter sa voix, ne fermez pas vos cœurs comme aux jours de discorde ». Les envoyés de Jérusalem ne peuvent rejoindre la vérité du Baptiste. Ils enquêtent, soupèsent les opinions, ils ne reçoivent pas sa parole parce que leurs cœurs sont fermés. Et nous, pendant cet Avent, saurons-nous écouter la voix de Jean-Baptiste ?
Pour l’écouter, il faut le rejoindre au désert. Le désert est au-delà des lieux habités, de la foule, du bruit, du monde. C’est là où l’ordre du monde ne peut prévaloir, où l’homme se retrouve sans fard, sans rôle à jouer dans la comédie humaine, et où il peut rencontrer Dieu. Et c’est le lieu du silence, où l’on peut écouter.
C’est là que la voix du Baptiste retentit. Si nous n’allons pas au désert, nous ne l’entendrons pas, nous ne sortirons pas du bruit du monde, de notre propre bruit. La prière, la prière silencieuse est essentielle, elle nous plonge dans le désert de notre cœur. Partons au fond de notre cœur, avec nos obscurités, nos ténèbres, pour y trouver la lumière. Partons avec notre soif d’amour inassouvie, pour y rencontrer l’Époux de nos âmes. Partons avec nos peines, nos souffrances, pour rejoindre l’Agneau qui porte l’iniquité du monde.
Alors, que nous dit le Baptiste ? « Redressez le chemin du Seigneur. Il nous invite à dégager le chemin, celui de notre cœur, pour que Jésus puisse y accéder. Dans l’Évangile, on voit Jésus passer et repasser en Judée, en Galilée, à Capharnaüm, à Jéricho… et parfois, il passe son chemin, parce qu’il n’est pas accueilli. Si le chemin de nos cœurs n’est pas dégagé, Jésus ne pourra y passer. Comment dégager le chemin ? Jean-Baptiste nous le dit sans équivoque : en allant recevoir ce baptême de pénitence, qu’il a donné à ses disciples. Quel est-il, pour nous, ce baptême de pénitence ? C’est le pardon du Père que nous recevons pour les fautes que nous commettons. Les obstacles au chemin du Seigneur, ce sont nos fautes, nos détournements, nos trahisons et nos lâchetés. Aplanir le chemin du Seigneur, c’est vivre de cet esprit de pénitence, et recevoir le pardon du Père pour nos fautes. Le sacrement n’est pas tout, avec lui il nous faut aussi nous convertir. Convertir ce qu’il y a de mondain en nous, quitter les apparences du monde pour revêtir l’homme nouveau.
Réjouissons-nous, le Seigneur est proche, le Seigneur vient ! Préparons-nous à l’accueillir avec la simplicité et la confiance d’un cœur de pauvre. Si nous suivons ainsi Jean-Baptiste au désert, nous ne serons pas vêtus de poils de chameau, et nous ne mangerons pas des sauterelles. Mais nous partagerons sa joie, nous deviendrons nous aussi des amis de l’Époux, et nous serons dans la joie à la vue de l’Époux, qui vient.
Père Thomas Messidor
Haïti, 13 décembre 2020

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